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Le poids des ombres

  Le retour à l’école impériale de Mor après le week-end de ski fut un contraste saisissant avec la légèreté des jours passés dans les montagnes. La diligence qui ramenait Mero, Sven et Dorian avan?ait péniblement sur les chemins enneigés, ses roues grin?ant contre la glace alors que la capitale émergeait de la brume matinale. Les tours austères de Mor per?aient un ciel lourd de nuages gris, leurs silhouettes sombres se dressant comme des sentinelles muettes au-dessus des toits recouverts de neige. L’air, chargé d’une humidité glaciale et d’une vague odeur de bois br?lé, s’infiltrait sous leurs capes épaisses, mais Mero portait encore en lui une chaleur résiduelle – un écho des rires partagés sur les pistes des Tempelunes. Ces moments d’évasion avaient été une bouffée d’air frais, une pause loin des devoirs et des intrigues, mais la réalité de l’école les rattrapait désormais avec une force implacable.

  Lorsqu’ils franchirent les portes de l’établissement, la cour était étrangement silencieuse, le crépuscule jetant des ombres longues et difformes sur les pavés gelés. Les rares élèves présents à cette heure vaquaient à leurs taches dans un murmure discret, leurs silhouettes emmitouflées dans des capes de laine disparaissant rapidement dans les batiments annexes. Mero ajusta son sac sur son épaule, échangeant un regard complice avec Sven, lorsque leurs yeux se posèrent sur une scène inattendue près des écuries. Deux silhouettes vêtues de noir attendaient, leurs visages graves à demi cachés sous des capuchons sombres, et à leurs c?tés se tenait éléanor, la s?ur de Dorian. Sa robe noire, sobre et dépourvue d’ornements, tranchait avec la vitalité qu’elle avait affichée lors de leur soirée à l’auberge quelques jours plus t?t. Ses yeux rougis et ses joues marquées par des larmes récentes trahissaient une douleur profonde. Elle fit un signe discret à Dorian, ses mains tremblantes serrant un mouchoir froissé contre sa poitrine.

  Dorian s’immobilisa net, son sourire s’effa?ant comme une flamme éteinte par un souffle glacial. La joie du week-end, encore perceptible dans sa démarche légère quelques instants auparavant, s’évapora en un instant, remplacée par une tension visible. Il hésita, ses yeux passant des deux inconnus à sa s?ur, captant la gravité de la situation dans leur silence oppressant. ? Qu’est-ce… ? murmura-t-il, sa voix se brisant avant de s’éteindre complètement. Puis, après un dernier regard vers Mero et Sven – un mélange de confusion et d’appel muet – il s’avan?a lentement vers sa famille, chaque pas semblant alourdi par une appréhension croissante.

  Mero et Sven restèrent en retrait, leurs silhouettes figées dans la neige, respectant l’intimité de ce moment. Une inquiétude sourde se grava sur leurs visages – un froncement de sourcils chez Sven, une main crispée sur la sangle de son sac chez Mero. La tension dans l’air était presque tangible, un silence pesant rempla?ant les éclats de rire qui les avaient accompagnés jusque-là. Ils observèrent Dorian s’éloigner avec sa s?ur et les deux membres de sa famille, leurs capes noires ondulant comme des spectres dans la pénombre, jusqu’à ce qu’ils disparaissent derrière une arche menant aux quartiers privés de l’école. Un échange de regards suivit entre Mero et Sven, un mélange d’incertitude et de malaise, aucun des deux ne sachant ce qui se cachait derrière cette arrivée soudaine. L’absence d’une lettre préalable, l’urgence de leur présence en personne, tout suggérait une nouvelle grave, une fracture brutale dans la vie de leur ami.

  La vérité éclata peu après, propagée par des murmures rapides parmi les élèves et le personnel de l’école, comme un vent froid balayant les couloirs. Le père de Dorian, le roi Orval de Fine, était mort. La nouvelle frappa comme un coup de tonnerre, brutale et inattendue, résonnant dans l’esprit de Mero avec une violence sourde. Un accident de chasse, apprirent-ils : un cerf, dans un élan désespéré, avait transpercé le souverain de ses bois acérés, une fin tragique et presque absurde pour un homme de son rang. L’image – un roi déchu par une bête, son sang tachant la neige des forêts de Fine – rendait la perte d’autant plus difficile à concevoir, un mélange de sauvagerie et de fatalité qui semblait défier toute logique.

  Mero sentit un poids s’abattre sur ses épaules alors que les détails se précisaient, murmurés dans les salles communes et les corridors sombres. Le chagrin de Dorian, déjà perceptible dans son silence lors de leur séparation, prenait une teinte plus sombre à la lumière de cette révélation. Imaginer son ami confronté à une telle douleur – la perte soudaine d’un père dans des circonstances aussi brutales – éveillait en Mero un mélange d’empathie et d’impuissance. Il n’avait jamais connu une perte aussi proche, ses parents régnant encore sur Sel, mais il pouvait deviner l’ampleur du vide qui devait engloutir Dorian en cet instant. Sven, à ses c?tés, fixait le sol de la cour, ses doigts crispés sur une bourse à sa ceinture, son visage habituellement jovial marqué par une gravité inhabituelle.

  ? Un cerf… ? murmura Sven, brisant le silence entre eux alors qu’ils regagnaient leurs quartiers, leurs pas résonnant faiblement sur les pavés gelés. Sa voix, d’ordinaire si légère, portait une note d’incrédulité, presque de révolte. ? Comment est-ce possible ? ? Mero ne répondit pas immédiatement, ses pensées tournées vers Dorian, vers éléanor pleurant dans la cour, vers une famille désormais brisée. ? C’est… tragique, ? finit-il par dire, les mots lui semblant faibles face à l’immensité de l’événement, comme des galets jetés dans une mer décha?née. Ils partagèrent un regard chargé de compréhension, une solidarité muette s’installant entre eux. Ils savaient que les jours à venir seraient marqués par le deuil de leur ami, et bien que leur présence ne puisse effacer sa douleur, ils se devaient d’être là – discrets mais sincères, prêts à offrir un soutien lorsque Dorian en ressentirait le besoin.

  Plus tard, dans une salle commune où le feu crépitait faiblement dans une cheminée de pierre noircie, Mero et Sven retrouvèrent Dorian. Il était assis près d’une fenêtre, son regard perdu dans la nuit noire au-delà des vitres givrées, où seules quelques étoiles per?aient l’obscurité. La princesse Ki, arrivée peu après la nouvelle, se tenait à ses c?tés, sa présence calme et rassurante contrastant avec la tempête intérieure qu’il semblait traverser. Ses vêtements noirs, simples mais élégants, soulignaient la gravité du moment, et ses yeux sombres portaient une inquiétude contenue. Mero et Sven s’approchèrent avec prudence, leurs pas étouffés par le tapis usé qui recouvrait le sol, et posèrent la question qui pesait sur leurs c?urs.

  ? Dorian, ? commen?a Mero, sa voix douce mais ferme, ? accepterais-tu qu’on t’accompagne chez toi, dans ton royaume ? On veut être là pour toi, pour t’aider à traverser cette épreuve. ? Sven hocha la tête, ajoutant d’un ton plus bas, presque rauque : ? Tu ne devrais pas affronter ?a seul. ?

  Dorian releva les yeux, visiblement touché par leur offre. La tristesse dans son regard, profonde et brute, trahissait l’immense difficulté de cet instant. Il prit un moment pour répondre, ses doigts serrant un gobelet vide qu’il n’avait pas touché, ses jointures blanchissant sous la pression. ? Je… je vous remercie, ? dit-il enfin, sa voix rauque et hésitante, comme arrachée à un puits de silence. ? C’est généreux de votre part. Mais je ne suis pas s?r d’être prêt à recevoir du monde maintenant. Ma famille a besoin de moi pour les funérailles, pour le domaine… Tout est encore trop frais. ? Il marqua une pause, ses yeux se posant sur Ki avec une gratitude fugace. ? Mais plus tard, quand les choses se calmeront, je crois que votre présence pourrait m’aider. Ki… elle a raison de vouloir être là maintenant. Elle sera un soutien précieux. ?

  Ki, ses yeux sombres empreints d’une sollicitude retenue, hocha la tête doucement. Elle se tourna vers Mero et Sven, sa voix apaisante cherchant à adoucir la tension qui emplissait la pièce. ? Nous ferons ce qu’il faut pour l’aider, ? dit-elle, ses mots soigneusement choisis. ? Mais je crois qu’il est important de respecter le temps et l’espace dont il a besoin pour faire face à cette perte. ? Ses paroles, empreintes de sagesse, portaient une nuance de fermeté – un rappel que leur soutien, bien qu’apprécié, devait s’adapter aux besoins de Dorian dans cette période de fragilité.

  Mero sentit une pointe de déception le traverser, mais il acquies?a, comprenant la logique derrière leur décision. Dorian appréciait leur geste, cela se voyait dans la gratitude éphémère qui traversa son regard, mais il préférait affronter cette première vague de chagrin avec sa famille et Ki. La princesse, avec sa présence discrète mais inébranlable, semblait déjà s’installer comme un pilier dans ce moment de crise, un r?le que Mero et Sven ne pouvaient remplir pour l’instant.

  Leur désir d’aider ne s’éteignit pas pour autant. Quelques heures plus tard, dans le dortoir où les chandelles projetaient des ombres vacillantes sur les murs de pierre brute, Mero et Sven insistèrent sur un autre geste. ? On respecte ton choix, Dorian, ? dit Mero, assis sur le bord de son lit, sa voix empreinte d’une détermination tranquille, ? mais on aimerait offrir des fleurs pour la cérémonie d’enterrement. Ce serait une fa?on de montrer qu’on est avec toi, même de loin. ?

  Dorian, accablé mais attentif, leur adressa un léger sourire reconnaissant, une lueur fragile per?ant l’obscurité de son chagrin. ? Merci, ? murmura-t-il, sa voix tremblante mais sincère, comme un fil ténu reliant leur amitié à ce moment de désolation. ? C’est une attention touchante. Les fleurs… elles apportent toujours un peu de réconfort dans ces moments sombres. J’accepte volontiers. Peut-être qu’elles éclairciront un peu cette journée. ?

  Ki, debout près de lui, ajouta avec une douceur qui semblait vouloir alléger le poids écrasant son ami : ? Les fleurs sont un geste simple mais puissant. Elles montreront que nous sommes là, même si nous ne pouvons pas être présents physiquement. ? Sa voix, calme et posée, cherchait à tisser un pont entre leur soutien et la solitude de Dorian. Il hocha la tête, réconforté par cette offre, bien que la douleur restat gravée dans les lignes de son visage. Ils convinrent d’envoyer les fleurs dans les jours à venir, un symbole discret mais tangible de leur solidarité avec une famille plongée dans le deuil.

  Le lendemain matin, Dorian monta dans un fiacre avec la princesse Ki, ses épaules vo?tées sous le poids de son chagrin. La diligence, sombre et sobre, stationnait près des portes de l’école, ses chevaux piaffant dans l’air froid, leurs naseaux soufflant des volutes blanches. Sven s’approcha d’éléanor avant qu’elle ne rejoigne son frère, lui murmurant quelques mots à voix basse – peut-être une condolérance, peut-être une promesse de soutien futur. Elle lui répondit d’un hochement de tête, ses yeux brillants de larmes contenues, avant de monter à son tour dans le véhicule. Le fiacre s’ébranla dans un craquement de roues sur la neige durcie, emportant Dorian et sa famille vers Fine, laissant derrière eux un vide palpable qui semblait s’étendre dans la cour déserte.

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  La semaine qui suivit fut maussade, un reflet fidèle du ciel gris et bas qui pesait sur Mor. Les cours reprirent leur rythme monotone, les salles de classe résonnant des voix des professeurs et du grattement des plumes sur le parchemin, un bruit mécanique qui semblait amplifier le silence intérieur de Mero et Sven. Leurs pensées revenaient sans cesse à Dorian, à la douleur qu’il devait porter seul dans son royaume lointain. Une nouvelle vint toutefois briser brièvement cette morosité : Sven avait re?u un poste officiel pour son aide lors de l’incendie qui avait ravagé un tiers de la ville l’année précédente, une reconnaissance qui fit na?tre un sourire fugace sur son visage. ? Pas mal, hein ? ? lan?a-t-il à Mero avec un clin d’?il, bien que son enthousiasme soit teinté d’une mélancolie persistante face à l’absence de leur ami.

  Quelques jours après le départ de Dorian, un événement discret brisa la monotonie de l’école impériale de Mor. Un petit paquet arriva pour Sven, un évènement rare pour lui. La diligence qui l’avait apporté avait laissé des traces dans la neige de la cour, et un serviteur l’avait déposé dans le dortoir avec une indifférence mécanique. Lorsqu’on le remit à Sven, il le prit avec une hésitation visible, ses doigts effleurant l’emballage de toile fine comme s’il pressentait un poids caché. Le paquet provenait de sa s?ur, la reine du royaume de Fer, une ?le tropicale dans l’Océan Thétéien où les femmes régnaient en matriarches incontestées.

  Sven défit le n?ud avec précaution, ses gestes lents contrastant avec son énergie habituelle. à l’intérieur reposait une broche en forme de grenouille, fa?onnée en platine repoussé, ses contours délicats incrustés d’émeraudes et de saphirs qui scintillaient faiblement dans la lumière tamisée des chandelles. Mero, assis sur son lit à quelques pas, l’observa avec une curiosité croissante, les ombres dansant sur les murs de pierre du dortoir ajoutant une aura mystérieuse à la scène. ? Un cadeau pour des fian?ailles, apparemment, ? dit Sven, lisant une note jointe d’une voix où per?ait une pointe de surprise. Il tint la broche entre ses doigts, l’examinant attentivement, ses pensées semblant s’égarer un instant dans un passé lointain. Puis, il lan?a un regard furtif à Mero, comme s’il pesait ses mots avant de parler.

  ? Ma s?ur a un sens particulier de l’humour, ? commen?a-t-il, un sourire en coin naissant sur ses lèvres. ? Elle me conna?t bien. Cette broche, c’est… un cadeau pour des fian?ailles, oui, mais pas les miennes. ? Il marqua une pause, son regard fuyant vers la fenêtre où la nuit enveloppait Mor d’un voile noir, avant de se reprendre. ? éléanor et moi, c’est… plus complexe que ?a. ? Il réfléchit un instant, puis ajouta avec une légèreté feinte : ? Elle m’a toujours dit que les grenouilles sont des symboles de chance et de transition dans notre culture. Peut-être que c’est un message caché. Mais non, ce n’est pas pour éléanor. ?

  Il tourna les yeux vers Mero, une lueur malicieuse dansant dans son regard. ? Ma s?ur aime jouer avec ces petites subtilités, ? dit-il, sa voix plus détendue, bien qu’une part de mystère persistat dans son ton. Mero per?ut que la broche, bien que symbolique, n’était pas liée à un engagement immédiat avec éléanor, mais peut-être à un autre aspect de la vie de Sven – un secret qu’il gardait pour lui, tapi sous cette fa?ade de nonchalance.

  Mero croisa les bras, un sourire taquin effleurant ses lèvres. ? Je ne suis pas expert en coutumes de ton pays, ? dit-il, ? mais peut-être qu’elle a entendu que tu vois éléanor de plus en plus souvent. Vous approchez de l’age où on parle mariage là-bas, non ? Peut-être qu’elle te fait savoir qu’il est temps de trouver une partenaire. ?

  Sven esquissa un sourire léger, mais une touche d’ironie brilla dans ses yeux. ? C’est une possibilité, effectivement, ? répondit-il, son ton teinté d’une résignation amusée. ? Ma s?ur a un sens aigu de la famille et des traditions. Elle n’aime pas qu’on tarde à prendre certaines décisions. Peut-être qu’elle pense que je suis enfin prêt à ‘m’installer’, comme elle dit. Mais la réalité est un peu plus… nuancée. ? Il prit un moment, ses doigts jouant distraitement avec la broche, avant de continuer. ? éléanor et moi avons passé plus de temps ensemble, c’est vrai, mais ?a ne veut pas dire qu’un mariage est en vue. Nos vies sont… plus compliquées que ce qu’on pourrait imaginer de l’extérieur. ?

  Il lan?a à Mero un regard où per?ait un léger défi, comme s’il testait sa réaction. ? Ma s?ur et moi, on a souvent ce genre d’échanges, ? ajouta-t-il avec un sourire. ? Elle aime donner des conseils, mais elle ne sait pas tout. Elle pourrait bien se tromper. ? Sven semblait vouloir éviter de trop en dire, une réflexion contenue dans ses paroles laissant deviner des pensées qu’il préférait garder pour lui.

  ? Je ne vais pas t’embêter plus avec ?a, ? dit Mero, levant les mains en signe de reddition, un sourire amical sur le visage. ? à propos, est-ce que je t’ai déjà raconté comment j’ai été fiancé à Mandarine ? ?

  Sven haussa un sourcil, surpris par ce changement de sujet. ? Non, tu ne m’as jamais parlé de ?a, ? répondit-il, croisant les bras avec un mélange de curiosité et d’amusement. ? Si c’est une histoire intéressante, je suis tout ou?e. Comment ?a s’est passé ? ? Il s’adossa contre le mur, visiblement intrigué par cette facette du passé de Mero, conscient de l’importance de Mandarine dans sa vie et de la complexité de leur lien.

  Mero s’assit plus confortablement sur son lit, ses yeux se perdant un instant dans les ombres vacillantes du dortoir. ? Tout a commencé quand le bateau qui m’emmenait à Mozanb a eu une avarie, ? raconta-t-il, sa voix prenant une teinte introspective. ? Nous avons d? accoster sur une ?le pour des réparations. Le capitaine l’avait choisie parce qu’on y trouve les meilleurs architectes marins. En nous promenant dans la ville – mon tuteur, ma nourrice et moi – des enfants m’ont offert des cadeaux : une pierre, une fleur. Je les ai acceptés par politesse, sans savoir que sur cette ?le, accepter un présent est un gage de fian?ailles. Plus tard, quand nous sommes entrés dans la seule librairie du coin, j’ai été enlevé par les hommes de Mandarine. Ils m’ont conduit dans sa maison. Son père voulait me forcer à l’épouser sur-le-champ, mais j’ai négocié avec lui. Dans ma culture, un mariage avant 17 ans n’est pas valide, alors j’ai gagné du temps. ?

  Sven écouta attentivement, une lueur de surprise traversant ses yeux. ? Une fiancée pirate, hein ? ? dit-il avec un sourire léger, visiblement amusé par l’intrigue. ? C’est tout un début d’histoire – un mariage forcé, un jeu de négociations. ?a en dit long sur ta capacité à te sortir de situations tordues. Mais comment as-tu fini fiancé à Mandarine ? Et comment ?a se passe entre vous maintenant ? ? Sa curiosité semblait sincère, teintée d’une fascination pour cette relation née d’un chaos inattendu.

  Mero baissa les yeux un instant, un sourire doux-amer naissant sur ses lèvres. ? Comme je ne voulais pas me marier tout de suite, je lui ai proposé des fian?ailles, ? poursuivit-il. ? Je pensais m’échapper de l’?le et de son emprise comme ?a. Mais cette nuit-là, elle est venue me voir en secret. Elle a… volé mon c?ur. ? Il marqua une pause, ses mots flottant dans l’air comme un aveu fragile, avant de relever les yeux vers Sven. ? On s’entend bien parce que j’ai choisi de faire en sorte que ?a marche. J’aurais pu l’oublier en arrivant à la capitale, tourner la page, mais j’ai décidé de suivre ce chemin. ?

  Sven hocha la tête, impressionné. ? Tu as fait un choix sage, Mero, ? dit-il, sa voix empreinte d’une admiration contenue. ? Choisir de faire marcher les choses plut?t que de fuir, ?a montre une sacrée maturité. Mandarine a d? apprécier ?a, et ?a a s?rement renforcé votre lien. C’est rare de voir quelqu’un s’engager comme ?a, surtout dans une situation aussi compliquée. ?

  Mero soupira, son regard se perdant dans la pénombre. ? Mais maintenant, je doute, ? admit-il, une note de vulnérabilité per?ant dans sa voix. ? Malgré toutes les lettres qu’on s’écrit, j’ai de plus en plus de mal à garder cet amour intact. Surtout depuis mon nouveau poste. De nombreuses jeunes nobles me font la cour, et il m’est très difficile de lui rester fidèle. ? Il baissa les yeux, ses doigts jouant nerveusement avec un coin de sa couverture.

  Sven, après un moment de silence, réfléchit avant de répondre. ? Je comprends, ? dit-il, son ton sérieux mais empreint d’empathie. ? C’est un défi, surtout ici, où les tentations sont partout et où la loyauté est mise à rude épreuve. Mais il faut te rappeler pourquoi tu t’es fiancé à Mandarine. Ce n’était pas un choix facile, et tu as trouvé quelque chose de sincère avec elle, même si la distance et les circonstances compliquent tout. Peut-être que ce qui te manque, c’est de la clarté sur ce que tu veux vraiment. Si tu tiens à elle, il faudra affronter ces tentations et trouver un équilibre. Sinon, il faudra une décision honnête, respectueuse – pour elle et pour toi. ? Il fixa Mero avec une gravité inhabituelle, cherchant à saisir la profondeur de ses tourments.

  Mero hésita, puis laissa échapper un souffle tremblant. ? Oui, mais c’est très dur, ? confia-t-il, sa voix plus basse. ? Le soir juste avant qu’on parte skier, la fille du duc de Grest a réussi à entrer dans mes appartements. Elle m’attendait… nue dans mon lit. ? Ses joues s’empourprèrent légèrement à ce souvenir, une chaleur montant à son visage malgré lui.

  Sven écarquilla les yeux, une lueur de surprise et d’inquiétude traversant son regard. Il prit un moment pour digérer cette révélation, puis s’exclama avec une pointe d’horreur : ? Je… je vois pourquoi c’est difficile à gérer. C’est une pression que peu peuvent comprendre. ? Il marqua une pause, choisissant ses mots avec soin. ? Tu es le seul à pouvoir décider jusqu’où tu veux aller avec ?a. Si tu tiens à Mandarine, rappelle-toi que ces tentations ne définissent pas ta loyauté. Céder à l’instant est facile, mais ?a peut te co?ter cher plus tard. Mais si tu es à un carrefour, peut-être que c’est le moment de clarifier tes sentiments. ? Il le regarda avec sérieux. ? Tu es quelqu’un de principe, Mero. La question, c’est quel homme tu veux être, même si ?a implique des choix difficiles. ?

  Mero rougit davantage, baissant les yeux. ? J’ai réussi à la chasser sans bafouer son honneur, ? dit-il, sa voix presque un murmure. ? Mais je me rappelle encore vivement son corps parfait. Je peux encore voir… ? Il s’interrompit, ses joues s’enflammant alors qu’il tentait de chasser l’image de son esprit.

  Sven secoua légèrement la tête, mal à l’aise mais sans juger. ? Je vois, ? dit-il doucement, ses mots empreints de compréhension. ? C’est normal d’être troublé par ?a, surtout quand c’est aussi intense et inattendu. Mais il faut que ces pensées ne prennent pas le dessus sur ce que tu as choisi, sur ce que tu veux vraiment. Ce n’est pas facile, mais chaque fois que tu agis avec honneur, ?a compte. Il n’y a pas de honte à avoir des pensées conflictuelles, Mero. Ce qui compte, c’est comment tu les gères et comment tu restes fidèle à toi-même. ?

  Mero releva les yeux, un sourire timide naissant sur ses lèvres. ? Je te dis ?a parce que tu as une relation compliquée avec éléanor, ? expliqua-t-il. ? Réfléchis-y à tête reposée. Sa famille est influente auprès de l’empereur, et ta s?ur le sait. Elle ne laissera pas une telle occasion lui filer entre les doigts. ?

  Sven prit un moment pour réfléchir, son regard pensif se perdant dans les ombres du dortoir. ? Tu n’as pas tort, ? répondit-il lentement, une gravité nouvelle dans sa voix. ? Ma s?ur conna?t les enjeux politiques. éléanor et moi… c’est plus complexe qu’une simple affection. Mais je ne sais pas si c’est juste une question d’influence, de famille, ou si je ressens vraiment quelque chose pour elle. ? Il soupira, comme si ce doute pesait lourd sur ses épaules. ? Les attentes familiales sont dures à porter, surtout quand elles se mêlent aux sentiments. Je ne veux pas agir sous la pression, mais il y a toujours cette tentation de suivre la voie facile. ? Il tourna les yeux vers Mero, une lueur interrogative dans son regard. ? Je vais y réfléchir. Peut-être qu’avec du recul, je verrai plus clair. Merci de me le rappeler. ?

  Mero hocha la tête, son sourire s’élargissant légèrement. ? Ne t’inquiète pas, ? dit-il. ? Pour moi, il a fallu que Mandarine arrive par surprise au bal de l’hiver, ma première année ici, pour me dire que c’était elle que je désirais. Réponds à ta s?ur que, comme éléanor vient de perdre son père, ce n’est pas le moment pour ce genre de discussion. ?a te fera gagner du temps. ?

  Sven esquissa un sourire, une lueur de gratitude traversant ses yeux. ? Tu as raison, ? dit-il, plus serein. ? Parfois, la pression pousse à des choix hatifs. Répondre ?a à ma s?ur pourrait me donner un peu d’espace. ? Il hocha la tête, comme si une idée prenait forme. ? Je vais suivre ton conseil. Qui sait, avec le temps, les choses se clarifieront. Merci, Mero. Ce n’est pas facile d’en parler, mais tu rends ?a plus simple. ? Il jeta un coup d’?il à l’horloge de bois accrochée au mur, puis ajouta avec un sourire complice : ? Maintenant, concentrons-nous sur les cours. Mais dès que j’ai un moment, j’écris à ma s?ur. Je vais prendre ce temps pour réfléchir. ?

  Sa posture se détendit légèrement, comme si une pression invisible s’était relachée, et il rangea la broche dans sa bourse avec un soin presque rituel, laissant le mystère de son message planer dans l’air du dortoir.

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